Les Chroniques de Michel…
Un début de vingtième siècle riche au Japon
– par Michel Barrière –
La fin du dix-neuvième siècle et le début du vingtième siècle a vu au Japon l’éclosion de formes modernes d’arts martiaux. Il serait possible de dire leur codification moderne, que ce soit le judo avec Jigoro Kano, le karaté avec Gishin Funakoshi et l’aïkido avec Morihei Ueshiba, pour ne citer qu’eux. En même temps, Mikao Usui mettait en œuvre la pratique du Reiki. Cette efflorescence correspond à l’entrée du Japon dans une évolution vers une société transformée sous l’impulsion du génie de l’empereur Meiji.
Que ce soit pour les arts martiaux et pour le Reiki, des pratiques ancestrales existaient bien avant, suivant de longues traditions, mais elles circulaient de façon confidentielle, réservées seulement à ceux bénéficiant de l’initiation. Le mérite de ces maîtres initiateurs a été de leur donner des formes adaptées qui ont permis un partage de leur connaissance et donc une diffusion internationale bien au-delà des frontières du Japon, même si, parfois, le cheminement fut fortuit et non linéaire.
La tradition guerrière s’est longtemps perpétuée au Japon à travers la tradition des samouraïs. La dissolution du clan des samouraïs en mille huit cent soixante-huit a laissé la voie libre à d’autres formes d’expression pour suivre le code du Bushido. Nitobe Inazo en décrit les aspects spirituels dans son ouvrage Bushido – l’âme du Japon. L’esprit de service y est complètement présent. Alors, il n’est pas incongru d’associer Reiki et arts martiaux car les deux sont empreints de l’esprit de service et de dévouement, même si on peut objecter que les buts sont différents, mais peut-être pas autant qu’il y paraît.
Selon Nitobe Inazo, le Bushido met en exergue la rectitude et la justice, le courage, l’esprit d’audace et la maîtrise de soi, la bienveillance et la compassion, la politesse, la vérité et la sincérité, l’honneur, le devoir de loyauté, l’éducation et l’entraînement, le contrôle de soi… En somme, tout un programme initiatique pour donner un corps spirituel au pratiquant d’art martial. La tentation est grande de faire un parallèle avec la recommandation de Mikao Usui d’accompagner la pratique du Reiki avec le suivi des Idéaux, dont il aurait dit qu’il est indispensable de les associer. Ils sont pour le Reiki l’équivalent du Bushido pour les arts martiaux. Mikao Usui est né dans une famille où la tradition du samouraï était présente. On peut donc penser que son éducation dans ses jeunes années a été imprégnée de l’esprit du Bushido. D’où, peut-être, il lui est venu l’inclinaison à donner à toute activité, même la plus noble, un cadre moral et spirituel. Il n’est pas étonnant de trouver réuni la volonté sur un plan plus concret et l’idéal sur un plan plus subtil, car c’est l’imprégnation énergétique reconnue du Japon et de sa capitale Tokyo, et de son ancienne capitale Kyoto.
Le Bushido a sa part exotérique et sa part ésotérique. L’évolution du pratiquant d’art martial le conduit à une maîtrise de soi. Il la développe d’abord par une pratique externe. Celle-ci, basée sur une fine observation de l’anatomie de la physiologie et de la biomécanique, mène à un premier stade. Mais le pratiquant se rend compte qu’il ne peut aboutir que par une pratique interne qui mène à un profond approfondissement de toutes ses capacités d’être pour identifier son soi dans une seconde étape. Les exemples fourmillent de grands guerriers et combattants qui renoncent pour se consacrer à un art d’harmonie ou de service afin de finaliser leur accomplissement. Il semblerait logique d’inclure le Reiki dans cette seconde étape de l’approfondissement sur soi car il nous oblige à créer une continuité qui s’ancre au sommet de notre subtilité.
L’art martial et le Reiki ont en commun l’utilisation du véhicule dans lequel nous avons l’incarnation pour manier des énergies selon une intention. Les deux entraînent à l’art de la circulation d’énergie, l’art d’être un intermédiaire. L’énergie mise en œuvre pour une action ciblée ne nous appartient pas, nous la transmettons. De ce fait, le Reiki, et accessoirement les arts martiaux, nous convient à mettre en jeu des énergies qui ne nous appartiennent pas en propre, donc à dépasser nos limites personnelles. Dans cette situation, il y a plus que la maîtrise de soi, c’est l’utilisation du soi en oubliant tout ce qui est proprement inhérent à lui. Dans les arts martiaux, la circulation d’énergie vient vers un point d’impact et une action concrète immédiate. Dans la pratique du Reiki, l’officiant ne s’occupe pas du résultat immédiat, il est totalement dans la transmission. L’efficacité est ressentie uniquement par celui qui reçoit. Néanmoins, les deux nécessitent l’art de transmettre avec tous les véhicules d’être humain. Pourtant, dans les deux activités, le pratiquant trouve un bénéfice dans cette transmission. Il est en quelque sorte régénéré par cette circulation d’énergie qui va lui créer du bien-être à tous les niveaux de son être, même s’il ne fait que la transmettre. En résumé, le Reiki et accessoirement les arts martiaux nous convient à mettre en jeu des énergies qui ne nous appartiennent pas en propre, dont nous acquérons l’aptitude à diriger.
L’art martial cultivé dans son esprit ultime mène au non-combat. Le conflit doit se résoudre toujours dans l’harmonie. L’art martial bien éprouvé conduit à l’harmonie avec tout ce qui est. Il fonde dans l’unité. La pratique du Reiki vise à l’établissement du bien-être, dans lequel une symphonie harmonieuse de tout ce qui est prend place. C’est bien là, sous des abords différents, que ces deux activités se rejoignent. Il n’est donc pas étonnant que leur intérêt renouvelé ait pris place dans une même région où l’imprégnation énergétique était particulièrement favorable.
Comme le disent les traditions, il y a une infinité de voies qui mènent au sommet de la Montagne. L’art martial et l’art du Reiki en sont l’illustration. De plus, ils peuvent se compléter comme la main qui corrige, peut-être la main qui réconcilie et anoblit. C’est à l’homme de faire de ses pratiques un art de vivre et d’harmonie dans toutes ses dimensions. C’est à l’homme de faire en sorte que l’art de la guerre et du mal-être s’épuise dans une paix ; pas celle de l’émotion humaine, mais celle de l’esprit, comme une circulation et une continuité dynamique et bien vivante de l’énergie de cet état de bien-être vers lequel l’évolution nous pousse.