L’intelligence du Reiki

L’intelligence du Reiki 

– par Patrick Legros –

Prologue

Parler de l’intelligence du Reiki ne doit pas nous induire à concevoir que cela est une qualité matérielle ou intellectuelle d’un Reiki qui analyserait comment il doit procéder pour la guérison.

Nous devons donc préciser ce que l’on comprend en parlant d’intelligence et ce que le terme Reiki désigne. Cette entreprise peut s’avérer aussi longue et ardue que la définition de l’amour.

Introduction

Parler d’intelligence est un exercice sujet à controverses. Les discussions enflammées ne manquent pas ; la notion évolue même en fonction de l’histoire des expériences humaines. Cependant, pour bon nombre de personnes, la question reste au niveau du domaine de l’intellect et ramène souvent à une notation par le fameux QI.

Étymologiquement, pourtant, l’intelligence est un terme emprunté au latin intellĕgentĭa, lui-même dérivé du latin intellĕgō (discerner, démêler, comprendre) qui se décompose en inter (entre, parmi) et lego (choisir, recueillir, ramasser). On remarque que ces mots s’appliquent tant dans le domaine matériel, où règne l’intellect, que dans le domaine des émotions et celui des choix spirituels.

 

Ainsi le libre arbitre est nécessaire pour qu’il y ait intelligence. Sans liberté de pensée et d’actions, il n’y a plus d’intelligence possible.

Le terme intelligence désigne aussi la recherche des informations véritables qui renseignent sur la marche du monde (en anglais, « intelligence » prend le sens de renseignement recueilli parmi les informations disponibles ou recherchées).

Nous remarquerons, dans les textes cosmogoniques, que la notion de choix, attribuée à l’Homme, est la capacité d’imaginer identique à celle de la puissance créatrice. Le nommage est un acte d’imagination (il est dit que Dieu a créé l’homme à son image, puis lui a demandé d’imaginer les noms des choses et animaux créés). Le nommage a toujours été considéré comme « science » ; d’où les catalogues et autres encyclopédies destinés à soutenir l’érudition. S’il est donné intelligemment, le nom juste est considéré comme donnant un pouvoir sur et grâce à ce qui est nommé (légende du Golem, invocations, incantations, etc.).

Le symbolisme est aussi un domaine où l’intelligence est requise, ou plutôt LES intelligences sont requises. En effet, le symbolisme rend intelligible des phénomènes tant matériels, qu’émotionnels et spirituels de manière simple s’il est choisi de façon adéquate. Il est alors opérationnel, dans le sens où notre conscience personnelle rejoint la conscience globale.

Intelligences artificielles et bêtise naturelle – un peu d’humour

À ce stade de notre réflexion, il convient de jeter un coup d’œil sur les dissertations actuelles vis-à-vis de l’intelligence. Je classe comme intelligence artificielle tout moyen visant à figer un savoir et à le rendre exclusif. Ainsi l’écriture, les symbolismes, l’art, etc., sont des instantanés d’une intelligence exprimée qui demandent à être rendus vivants dans une conscience qui doit alors exercer ses propres choix en toute liberté. Toute organisation humaine qui ne possède pas de moyens de conserver et transmettre son intelligence historique en respectant le libre arbitre est vouée, au mieux, à la stagnation. De même si les « rebelles » ne peuvent s’exprimer, les voies nouvelles ne seront pas révélées (Einstein a dit : « On ne trouve pas la solution en se concentrant sur un problème mais en faisant preuve d’imagination »).

La bêtise naturelle

Souvent, l’être pensant non-motivé préfère se laisser mener, et prendre confortablement pour argent comptant ce qui lui est proposé comme vérité par une docte autorité. Cela lui permet de ne pas faire l’effort de l’intelligence issue de l’énergie dépensée en recherches personnelles et de l’utilisation de son bon sens critique. Il y a donc une certaine paresse à édifier son propre avis. De ce fait, il s’établit un rapport de soumission entre la doctrine et l’être endoctriné par abandon du libre arbitre. Il y a même un blocage lorsque le dogme devient la barrière infranchissable, l’absolu au sens aristotélicien, le risque de blasphème s’il y a remise en cause.

Pourtant, notre histoire regorge des avancées faites par ces courageux de l’intelligence, qui ont bravé les interdits des dogmes devenus stériles.

Nous retiendrons donc que c’est le lot des tièdes que de céder à la paresse tant intellectuelle qu’émotionnelle et spirituelle. Ils forgent, par-là, leur mal-être, d’où la parole de Jésus « Mal heur aux tièdes » (en vieux français, heur signifie « ce qui arrive » : bon heur ou mal heur).

À ce propos, lorsque l’on fait dire à Jésus « Bienheureux les pauvres en esprit », on parle bien sûr de ceux qui savent rechercher et pratiquer la simplicité (donc la maîtrise) avec le moins de divergences intellectuelles et émotionnelles possibles vis-à-vis de la réalité qu’ils expérimentent.

Figure 1 Représentation de l’univers tel que nous le verrions d’infiniment loin
Figure 2 Réseau de neurones (rouge) avec les astrocytes (vert)

 

Les intelligences artificielles

Que peut-on qualifier d’intelligence artificielle ?

On peut ainsi qualifier tout système qui réalise des opérations intellectuelles (et parfois émotionnelles) et qui a été élaboré pour accélérer et même remplacer les compétences humaines normalement requises lorsque le temps à y consacrer est compté. Ainsi en est-il de tous les systèmes de calcul et d’évaluation (de la règle à calcul aux clusters de serveurs en réseau) ainsi que des encyclopédies sur internet. On pourrait lister bien d’autres outils similaires.

Cependant, bien utilisés, ces outils peuvent être vus comme source de stimulation de l’intelligence pour qui sera curieux, critique et imaginatif. Pour les autres, cela restera artificiel.

L’intelligence artificielle neuro-mimétique ou IA

L’IA a été développée en cherchant à mimer le fonctionnement analogique et numérique d’un neurone, puis d’interconnecter ces neurones mimétiques. Un neurone a deux modes, un de calcul (nombres) ou d’évaluation (choix à partir d’un seuil). Un mode est dit analogique, où les valeurs prises par les processus (chimiques ou électriques) sont évolutives de manière continue et graduelle, permettant ainsi de moduler les éléments impliqués dans les processus de régulation. L’autre mode est dit numérique, où le neurone prend des valeurs « quantifiées », où les sauts discontinus, d’une valeur à une autre, permettent un fonctionnement décisionnel (pour « franchir le pas » ou non).

En regroupant un très grand nombre de ces neurones, en hiérarchisant et combinant leurs communications, les fonctionnements neuronaux humains sont mimés.

En donnant des tâches précises pour répondre à des questions tout aussi précises, on stimule le fonctionnement d’une IA. S’il n’y a pas de demande humaine précise, l’IA ne sert à rien et elle peut dériver vers le pire, comme cela s’est déjà produit. On a alors affaire à une intelligence réelle mais dépourvue de valeurs et de sentiments humains.

L’intelligence au niveau spirituel

Le professeur Aziz El Amrani Joutey pense avoir identifié, dans les cellules dites astrocytes, le lien entre la lumière de la source (notre Reiki en quelque sorte) et sa manifestation en lumière agitée (les ondes électromagnétiques) qui, en se densifiant en particules, donnent la lumière dense (les particules, en s’agrégeant, formeront atomes, puis molécules, et enfin organes). Les astrocytes sont très nombreux dans le cerveau, le cœur et l’intestin, aux cotés des neurones. Ainsi, la science redécouvre la répartition ancestrale de la conscience intelligente en trois Dantian (supérieur 上丹田, Shang Dantian au niveau de la tête ; central 中丹田, Zhong Dantian au niveau du cœur ; inférieur 下丹田, Xia Dantian au niveau du ventre trois doigts sous le nombril).

Le Xia Dantian, ou Tanden (丹田 en japonais), est considéré comme le chaudron fumant d’où sort la vapeur (气) issue de l’énergie du feu, et où cuit le riz de la vie (米), donnant ainsi le kanji ki (氣).

L’intelligence du Reiki 靈氣

Cette formulation, qui évoque une intelligence propre au Reiki, est utile pour expliquer que le praticien n’a rien à faire mentalement car le Reiki « a sa propre intelligence ». Celle-ci lui permet de se diriger au bon endroit, en bonne quantité et en densité suffisante pour un temps d’action donné. Il ne peut, ainsi, y avoir une quelconque corruption de la part du praticien ou du receveur. Cependant, cette conception peut donner lieu à des dérives si on l’accepte stricto sensu.

Cette formulation, donnée en première approche du Reiki, suscite chez le débutant la confiance nécessaire. Elle se révèle simplifiée lorsque, devenu enseignant, il nous apparaît, au fil d’une pratique longue et approfondie de tous les aspects et techniques de Reiki, que la réalité sous-jacente est plus subtile.

Au fait, l’explication d’un canal Reiki vulgarise aussi une réalité plus profonde. Pour moi, j’y vois plutôt un appel à la manifestation du Reiki (donc depuis l’incréé vers un temps et un lieu singulier du créé), focalisée vers un receveur qui est identifié par l’entremise du ou des praticiens qui se placent en conscience avec leurs intentions, leurs mains, leurs techniques, leurs attitudes mentales et émotionnelles. Ce n’est donc non pas une canalisation mais une convocation (phrase) à la manifestation (sujet) dans le créé (objet) de la structure organisatrice et créatrice (verbe) originelle.

Cet appel à manifestation en un temps et en un lieu qui dépendent de la conscience du praticien permet de conjuguer ainsi, de manière plus cohérente à mon sens, le Reiki à distance (complément circonstanciel de lieu) et le Reiki dans le temps (complément circonstanciel de temps).

Dans le cadre de l’auto-traitement, le même processus fonctionne, à la seule différence que le receveur est aussi le praticien qui se signale ainsi lui-même comme objet de la manifestation du Reiki.

On comprend aussi que le Reiki propage ses effets aux praticiens eux-mêmes. En effet en agissant, en quelque sorte, comme des « balises », les praticiens sont corrélés (en espace et en temps) ou intriqués (intention initiale reliant les consciences) avec les receveurs. Ils bénéficient donc eux aussi de la manifestation locale du Reiki dans le ici et maintenant de la séance. L’ego, dont le rôle est le bien-être exclusif de son hôte, y trouvera toutes satisfactions et fera taire ses alertes et l’expression de ses besoins futiles.

Le passage de l’intelligence créatrice dans la création grâce au Reiki

L’approche conceptuelle des niveaux de Ki dans le Reiki, par divers auteurs, m’avait amené à placer le Reiki comme pouvoir structurant et organisateur de l’énergie primordiale : donc chef d’orchestre de toute création[2]. Le Reiki est et définit ainsi toutes les infrastructures, propriétés, procédés, agissant dans la création et les rapports entre l’incréé intemporel et les divers univers créés. Il s’agit bien là d’une intelligence créatrice supérieure dont l’action se prolonge dans les images du créé, qui expriment à leur tour de l’intelligence en miroir. Parfois, cette intelligence supérieure fait une incursion intense et ultra brève (une impulsion) dans le monde créé ; c’est alors une illumination qui submerge l’être humain tout en le transformant. Cette impulsion prend les noms d’extase, d’illumination, de satori, de Samâdhi, etc.

Une image de la continuelle manifestation créatrice dans son aspect descendant est la spirale centripète tandis que la voie spirituelle du retour dans sa lecture ascendante est une spirale centrifuge.

Dans ce concept, la formule « attributs, nombres et lois » attribuée au Reiki représente tous les aspects structurels que sont les archétypes existentiels dont le Reiki est dépositaire.

L’INTELLIGENCE

Pour moi, le Reiki est l’INTELLIGENCE qui s’implante dans et pour le maintien de la création, et ceci en tout temps. Le Reiki est l’aspect spirituel de l’intelligence dans la conscience. Les attributs, nombres et lois sont conjugués par le Reiki dans la création pour y instaurer nombres (ici au sens de quantité), mesures (dimensions par la dualité) et poids (densité) de chaque constituant de notre monde matériel, de manière harmonieuse et équilibrée. La nature nous donne à profusion des structures mathématiques à l’œuvre. Les fleurs, les carapaces, les cristaux de neige, etc. Où que notre conscience se porte dans la nature, nous y voyons une intelligence élégante et formant le complexe de manière simple, cohérente et harmonieuse.

Il est intéressant de prendre conscience que :

  • L’intellect repose sur l’espace-temps physique où temps et espace sont régis par des lois strictes et uniformément actives. La conscience, dans le monde physique, constate la répétabilité et en tire des modèles.
  • L’émotionnel prend plus de libertés en exagérant ou minimisant les faits et effets (voire en les inventant) et en ayant une notion élastique du temps. Il a la possibilité de voyager dans ces temps émotionnels. On peut avoir ainsi des écoulements rapides ou allongés (voire nuls) en fonction de nos états de conscience dans les dimensions émotionnelles. La conscience, dans le monde émotionnel, réalise sa vérité et sa cohérence intérieure, en tirant les leçons de ses erreurs et en travaillant à cultiver une meilleure humanité.
  • Le spirituel (ou miroir de la conscience universelle) est dépourvu des notions dimensionnelles physiques (ici uniquement comme espace) et émotionnelles (équanimité). Le temps n’existe plus ; seul le présent est actuel (maintenant ou présent). La conscience, dans le monde spirituel rejoint, dans le tréfonds de chaque être (ou conscience incarnée singulière), la grande conscience universelle et s’y fond.

Épilogue

Nous utilisons le terme de Reiki, mais en fait, toutes les spiritualités ont leurs mots pour décrire le même concept. Même la poésie, les arts et les mythes proposent leurs visions mystiques. (Lire, de Jean Cocteau, 7 dialogues avec le Seigneur inconnu qui est en nous).

Nous pouvons donc exercer notre intelligence spirituelle dans l’étude des autres traditions et y trouver un autre point de vue avec des mots issus d’autres cultures et des divers mysticismes. Nous pouvons ainsi affiner nos choix de compréhension.

L’intelligence du Reiki ne s’entend donc pas au sens humain du terme. L’intelligence n’est pas une qualité du Reiki, elle en est l’Essence.

En étudiant les approches des autres chercheurs et mystique, nous affûterons ainsi notre compréhension et notre conscience jusqu’à ne plus mettre de mots ni de symboles dans nos pratiques (voie du sabre ou kendō 剣道).

Alors nous atteindrons 安心立命 (anshin ritsumei, paix et illumination spirituelles ; garder un esprit imperturbable par la foi) et nous transmettrons de manière non verbale cette intelligence.
Nous fusionnerons ainsi directement avec et dans l’INTELLIGENCE.

Patrick Legros

patrick1legros@gmail.com

 

Je remercie Patrick LORIN (photographe officiel des congrès de Reiki à Évian)

pour ses relectures et apports nécessaires à une meilleure compréhension du texte.

 

[1] https://boowiki.info/art/les-disciplines-spirituelles/dan-tian.html

[2] Article « Les noms de Ki dans le Reiki », revue La Lettre Reiki.