Le texte original des gokai exprime toute l’énergie des kotodamas, lorsqu’il est calligraphié par un maître shodo qui pratique le reiki et maîtrise les sons sacrés. Je remercie à cette occasion Noriko Matsuzawa Sensei pour les conseils et les enseignements prodigués. (Noriko Matsuzawa réalise des calligraphies à la demande.)
Il est remarquable que ce que nous croyions avoir compris doive être retravaillé pour progresser dans la compréhension et l’éveil de notre conscience singulière. Ainsi, nous franchissons à chaque fois un palier supplémentaire comme dans une hélice. Nous retrouvons là le même besoin de perfectionnement que dans le Qi gong et autres maîtrises basées sur le corps, le souffle et l’esprit.
Le corps, le souffle et l’esprit sont, par ailleurs, évoqués dans le texte de présentation des gokai (五戒) et la façon de les pratiquer qui vient ensuite. (Voir la traduction détaillée dans ce document).
Avant d’aborder cette étude (et après aussi), je vous suggère de contempler le triptyque que j’ai conçu à partir du texte original, pour souligner ce qui m’est apparu comme des symétries intrinsèques, et d’en avoir un ressenti (ou pas). C’est la manière traditionnelle d’aborder un texte en kanji, mis en scène artistiquement, comme, dans une cérémonie du thé. Une calligraphie exécutée par un maître shodo donnera une amplification de l’énergie du texte et activera les kotodamas.
Les définitions suivantes sont une approche très simplifiée de l’organisation des divers plans concernant l’être humain. Pour une étude plus approfondie, voir dans le Manuel de Reiki III de Nita Mocanu, pages 34 à 36, l’excellent exposé « L’Antahkarana dans l’oeuvre d’Alice Ann BAILEY – commentaires par Michel Barrière ».
Voyons maintenant, les mots que j’ai choisis pour qualifier de manière simple les termes ego et intellect de mon exposé.
ego ou « moi » nous indique tout de suite l’objectif. L’ego a la charge de la survie et du bien-être de ce corps habitat et de celui-ci uniquement. Pour cela, il dispose des connexions nerveuses nécessaires au suivi des besoins et au lancement d’alertes impérieuses pour rééquilibrer l’organisme dont il a la charge. Les autres êtres lui sont extérieurs et ont leur propre chaperon, il n’a donc aucune obligation les concernant ni aucune raison de s’en occuper. L’extérieur, qui n’interagit pas avec le corps dont il a la charge, lui est indifférent.
En cas de heurs (bon ou mal), l’ego va réagir et mobiliser les ressources et les énergies nécessaires. En cas de mise en danger détectée, il va utiliser la totalité des énergies dont le résultat est une mobilisation générale. Si la cause ne cesse pas, une colère brutale destinée à une prise de décisions rapides et drastiques visant à supprimer l’agression extérieure est fabriquée.
Heureusement, le déclenchement peut en être contrôlé chez toute personne qui a appris à reconnaître les signes avant-coureurs de la tempête (chimique, énergétique et nerveuse). Ces signes sont des alertes que l’ego envoie en permanence à destination de tous les organes du corps, qui vont ainsi contribuer à l’effort immense de la mobilisation générale qui se prépare pour la survie (dixit l’ego).
L’intellect, quant à lui, est le système d’analyse et de fabrication de résultats et de décisions « politiques et stratégiques » envers l’extérieur, compte tenu de l’état de la situation intérieure qui lui est signalée par l’ego. Toujours disponible et actif, même lorsqu’il n’est pas sollicité consciemment, il devient pro actif pour gagner du temps de traitement, au cas où ! Il traitera en priorité les alertes de l’ego et aussi les messages venant, non seulement des cinq sens, mais aussi des mémoires des expériences passées et de la « géopolitique » des milieux où le corps évolue. Son mode de fonctionnement autonome n’a plus la priorité face à la conscience éveillée qui va le coacher.
En effet, seule la conscience de l’être éveillé et en pleine possession de son libre arbitre pourra appliquer constamment les deux premiers préceptes, l’un visant l’intérieur et l’autre l’extérieur.
En les étudiant, les pratiquant et les scandant comme un mantra, ces 5 préceptes deviennent 5 idéaux nous servant de références vitales, de tracé sur le chemin de la vie éveillée. Pour initier le mantra, on ajoute 今日丈けは Kyo dake wa « aujourd’hui seulement » qui actualise au présent l’activation des 5 préceptes.
Je les ai dessinés en triptyque car, pour moi, le principe central évoque la gratitude qui résulte de l’équilibre retrouvé par la pratique (la partie gauche), face aux vicissitudes de la vie terrestre (la partie droite). La gratitude procède de la reconnaissance de cet équilibre et en découle.
Cette présentation m’est purement personnelle et n’est pas la forme traditionnelle. Ceci me permet de mettre en lumière ce que j’ai ressenti comme mouvement des énergies des kotodamas.
La partie droite du triptyque (première à être lue) définit les influences, sur notre intérieur et avec notre vue sur l’extérieur, des aléas de la vie (bon—- ou mal—-) vécus par nos deux aspects liés à l’incarnation, que sont l’intellect et l’égo.
怒 est composé des kanji cœur-esprit (心) et esclave (奴). Ainsi, l’ensemble exprime l’état d’esclavage où est réduit l’esprit qui ne se maîtrise pas, la colère en est l’exemple le plus courant. Le る indique qu’il s’agit d’un verbe, ici « se mettre en colère ». Le な doit être vu non pas comme la négation intimée que nous connaissons en français (« ne pas » qui interdit) mais plutôt comme un engagement sur la voie de la renonciation. La colère est une réponse intérieure de l’organisme pour sa défense propre face à ce qu’il ressent comme des agressions. Si l’intellect ne réagit pas et ne l’utilise pas contre l’extérieur, ou si la conscience n’y met un terme, c’est le corps qui va en subir les conséquences.
心配 est composé de cœur-esprit (心) et de distribuer (配). Ainsi l’ensemble exprime l’état d’éparpillement où est réduit l’esprit qui analyse et ressasse les éléments extérieurs et intérieurs du passé comme cause des effets indésirables survenus. Cela crée des inquiétudes et de l’anxiété, voire un malaise et des peurs. On est conduit à tenter de trouver des actions futures pour pallier les conséquences possibles déduites du passé et du présent (préoccupations). Se faire du souci, craindre, c’est laisser l’intellect discourir sans fin en boucle sur les actions supposées utiles, afin d’éviter que les conséquences néfastes de ce qui est en train d’advenir ou à venir ne se reproduisent. L’intellect est alors hors du contrôle de la conscience qui peut, elle seule, faire cesser cela. Su Na (す な) est la forme « ne pas se faire de », qui conseille de mettre en œuvre la pratique du renoncement. L’intellect travaille essentiellement sur les sensations et mémoires de ce que les causes et effets extérieurs à l’enceinte du corps (qui reste sous la garde intérieure de l’ego) ont déjà produit de néfaste au corps personnalité. Partant de là, l’imagination, qui est à l’origine un don divin, devient une calamité car on se sépare du divin. Se faire du souci amène son lot de culpabilités, de rancœurs, d’impuissances, d’alarmes, d’inquiétudes, etc. En français, nous avons l’expression « se faire du mauvais sang », qui exprime bien que la rate ne remplit plus pleinement son rôle. Les expressions « avoir du mal à digérer » (estomac et pancréas), « avaler la pilule » (duodénum), « se faire de la bile » (vésicule biliaire mal régulée par le pancréas), expriment l’impact des soucis.
La partie gauche du triptyque nous indique les moyens et les ressources à mettre en oeuvre pour maîtriser la partie droite du triptyque. Pour moi, j’y vois comme un miroir par rapport à la partie centrale concernant la gratitude. Ces deux ressources sont intérieures et extérieures au soi.
業 est le travail ou l’étude, qui est ici complément d’objet direct indiqué par la particule を. Il faut être zélé en fournissant un effort constant はげめ dans l’étude et le travail sur soi. Car, ici, il s’agit d’actions ayant leurs sources et leurs effets depuis et sur notre conscience intérieure, notre soi, notre singularité.
人 に est composé de « personne » 人 et de la particule « envers » に indiquant à l’adjectif qui suit l’objet de l’attention, à savoir les personnes que nous côtoyons. L’objectif de la phrase nous oriente vers l’extérieur de nous-même.
親切 est composé de « relation intime » (親) et de « gentil » (切) exprimant ainsi la facilité de créer la relation de gentillesse. Le tout exprime donc plus particulièrement la bienveillance.
に est ici la particule dans son sens de désignation de l’objet de l’action visée par l’adjectif « bienveillant » et que l’on pourrait traduire en français par « aussi ».
La partie centrale du triptyque définit l’état de la conscience qui a équilibré ses émotions par la mise en place des ressources pour se contrôler, conjointement aux pratiques destinées à soutenir l’éveil à ce qu’il y a de plus élevé en nous.
感謝 est composé de sentiment, sensation, émotion (感) et de remercier (謝) exprimant ainsi l’état de gratitude, et してpour indiquer que l’on doit se donner les moyens de l’action de ressentir cette gratitude. Prendre conscience des causes bénéfiques qui nous amènent à cet état et profiter de cet état pour élever sa conscience.
La gratitude est le retour naturel que l’être singulier adresse en réponse de la prise de conscience de l’Amour, reçu initialement de la source. Tout comme l’Amour de la source, la gratitude est tout aussi inconditionnelle. Ainsi, nous renvoyons en miroir notre prise de conscience individuelle du lien profond que nous avons avec la source. Notre libre arbitre et l’imagination constituent notre intelligence et la liberté qui nous permet de choisir consciemment notre état d’être.
Dans le prochain numéro, nous verrons comment pratiquer les 5 préceptes avec la respiration abdominale et un auto-traitement associé.
(J’en profite pour remercier Nita et Michel pour leur aide et leur ressenti à la relecture de cet article, ainsi que Patrick Lorin.)
Patrick Legros
patrick1legros@gmail.com
Association Asa Midori Reiki
https://asamidorireiki.fr/